Le ProcessWork ou la Démocratie Profonde

Le ProcessWork en résumé...


Hum... Difficile de résumer toute cette pratique, voire cette philosophie autour des interactions humaines, en quelques lignes.


Ainsi, ci-dessous sont mentionnés de nombreux éléments que cette méthode de gestion de conflit comporte, mais tout ceci ne reste qu'une introduction, avec ma part de subjectivité.

J'espère qu'elle vous donnera l'élan pour la tester grandeur nature.

Car la meilleure façon de comprendre le processwork, c'est de le vivre.


Introduction au Processwork

Le ProcessWork, ou Psychologie Orientée Processus, ou encore Démocratie Profonde, est une synthèse de plusieurs disciplines, de plusieurs types de pratiques qui visent à des résolutions de conflit et à amener de la paix intérieure, la paix dans nos relations et même la paix dans le monde.


Tout un programme...


Dans le monde professionnel, politique, associatif, les conflits relationnels sont généralement évités. Selon nos cultures, occidentales, asiatiques, africaines, 70 à 90% des personnes évitent le conflit, qu'on va d'ailleurs nommer de façon plus douce par le terme de "désaccord", ou encore "divergence d'opinions", notamment dans le cadre des conflits au travail. Aborder des questions de jugement, de racisme, de sexisme, de privilèges, de rang, d'exclusion, etc.. n'est pas politiquement correct. Cela nous met en danger. Dans la plupart des cas, nous préférons "faire l'autruche" et prétendre que tout va bien.


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Et pourtant...


En processwork, ces sujets sont abordés.

Tous les sujets.

C'est une philosophie de vie, dans laquelle on découvre que nos "ennemis" intérieurs et extérieurs ont un message positif à nous apprendre. Par contre, si nous ne les écoutons pas, ils se manifesteront de plus en plus fort, et pourront mener à des situations catastrophiques.

D'où l'expression d'Arnold Mindell, le fondateur de la méthode :"Rendre les conflits plus excitants que la guerre".


Arnold Mindell (1940-2024), a développé cette théorie avec son épouse, Amy Mindell dans les années 1960-70.

Ses origines remontent à des recherches sur la conscience collective et la dynamique de groupe.
Cette théorie est aussi appelé "The big TOE" (Theory of Everything), en référence avec la théorie du tout de Stephen Hawking. Elle allie physique quantique, psychologie, spiritualité et conscience sociale.

Arnold et Amy l'ont étendue internationalement dans de nombreux contextes de la vie.


Cette méthode repose sur 3 sources principales:


- la psychologie jungienne, lui amène la psychologie fine de l'être humain, du travail intérieur, des polarités qui nous habitent et du travail autour des rêves (le DreamWork)


- la physique quantique ouvre nos perceptions et nos manières de voir la vie.


- le Tao et le chamanisme, en tant qu'arts de vivre, amènent un cadre de référence encore plus large, basé sur l'harmonie de l'équilibre des 2 forces fondamentales opposées du Yin et du Yang. Dans le Tao, ces forces cultivent l'énergie vitale ou “Qi (ou Ki ou Chi*)”, afin d’harmoniser le corps, le cœur et l’esprit, en lien avec les 5 éléments de l'Univers en symbiose: le bois, le feu, la terre, le métal et l'eau.


Un des présupposés du ProcessWork est que les conflits interpersonnels ou sociopolitiques que nous vivons sont liés à nos propres désaccords intérieurs. Le travail se fait donc toujours sur 3 axes: les plans personnel, relationnel et global.


Cela revient à dire que certains conflits relationnels ou avec le monde ne peuvent pas être résolus si les protagonistes n'ont pas effectué de travail d'acceptation de leurs propres conflits internes. C'est l' "innerwork" du processwork, encore appelé "Focusing".

Arnold Mindell indique qu’ "il faut brûler son bois" (ouvrage "Sit in the fire" traduit par "S'asseoir au coeur du feu"). Ceci implique nécessairement du travail intérieur et du travail extérieur.


Les objectifs du ProcessWork

Le processwork est une pratique de résolution de 3 types de conflits:

- Conflits internes, entre les différentes parties de soi : l'innerwork

- Conflits relationnels, avec nos proches, nos collègues

- Conflits avec nos organisations (entreprises, pouvoirs publics, associations), et de manière plus large avec le monde (racisme, sexisme, Minorités, exclus, terroristes.. ): le worldwork


Les objectifs du processwok:

- une meilleure connaissance de soi

- une meilleure compréhension de ses relations

- une meilleure écoute et compréhension des autres dans ses organisations, dans le monde


Les pratiques du processwork sont intégratives:

- Intégration de différents canaux de perception:

- canaux sensoriels simples: visuel, auditif, proprioception, mouvement (phase 2)

- canaux composés: relationnel, monde (ajout en phase 3)


- Intégration de:

- La Majorité

- Des Minorités marginalisées

- Des différents Rangs et Privilèges


Principe de non-linéarité:

L'intégration de tous ces canaux simultanément rend le processus non linéaire, plus proche de la réalité. En cela, il s'oppose à des méthodes plus traditionnelles et plus rassurantes, linéaires, qui traitent les sujets les uns après les autres et qui sont en général basées sur 1 seul canal de perception.


Le chaos et les frontières (edges):

Le chaos est un signe d'éléments non linéaires. Il montre que le groupe se trouve en limite ou en frontière (edge) de ce qui est consciemment perceptible. Ces limites font partie intégrale du processus, et sont acceptées comme telles.

A noter que ce chaos découle non seulement des privilèges et différences de rangs, mais également des différences de visions du monde, dont la description ethnologique est détaillée dans le modèle de spirale dynamique de Clare Graves. Ce modèle peut aider à comprendre les points de vue de certains parties de part leur développement personnel et socio-culturel.


Les 4 phases du conflit selon le processwork


Arnold Mindell décrit une progression en 4 phases dans l’évolution d’un conflit.


Phase 1: Le déni, l'innocence

Un conflit? Quel conflit? Tout va bien. Nous sommes en phase 1 lorsque nous sommes focalisés sur nous-mêmes (le u), en oubliant le reste.


Phase 2: Les tensions montent, en moi et/ou avec les autres

L'autre (le X) est le problème, le désaccord survient, l'autre est responsable du conflit naissant.

Il faut sortir de cette phase pour retrouver une société durable et apaisée.


Phase 3: Prise(s) de conscience

Cette phase, dans le "dreamland" ou domaine des rêves, nous permet de nous ouvrir aux autres et à nos propres signaux de communications non verbaux. Finalement, l'autre n'a pas complètement tort. Je le ressens en prenant son "rôle" un moment, ou alors, j'incarne des rôles fantômes" (cf. "que se passe-t-il dans un processus de processwork?).
Je partage une part de ce qu'il est ou prétend être. Je peux comprendre sa position. Et je suis alors prêt à laisser émerger des solutions nouvelles.

Ne pas réussir à atteindre la phase 3 peut amener à des problèmes psychologiques sévères: dépression, addictions, violence, suicide.


Phase 4: L'acceptation, la compréhension du tout, l' "essence"

J'intègre tous les aspects de la situation, du monde, du tout. Cette phase peut être spirituelle, dans le sens religieux ou dans le sens de l'appartenance au monde, à la Nature, à l'infini.

Les sensations généralement associées à cette phase sont la détente et l’ouverture. On peut aussi sembler être mu par des forces qui nous dépassent durant cette phase (dans un état de flow). Souvent, ce qui doit émerger vient d’un lieu de calme et de concentration profonde.


Cette phase ramène à la philosophie du ProcessWork, largement inspirée du Tao. La phase 4 est : "le Tao qui ne peut être dit". Le Tao considère que la Nature a déjà créé tout ce dont on a besoin et que le travail consiste à la retrouver et à la suivre.

“Un processworker est conscient et attentif aux flux de la Nature, essaye de les suivre et de faciliter leur déploiement.” Nous sommes tous perpétuellement dans le cycle de ces 4 phases, tel le cycle des saisons, qui permet une culture durable.


Notre comportement face au "phasisme"

Mindell souligne qu’au-delà du sexisme, du classisme, du racisme et de la plupart des autres «ismes» auxquels nous sommes confrontés dans nos sociétés modernes, le travail sur les conflits nous invite à reconnaître notre “phasisme” collectif : notre obstination à rester coincé dans les phases 1 et 2 et rejeter les phases 3 et 4 du conflit qui nécessitent un travail intérieur.


Que se passe-t-il durant un processus de processwork ?


Concrètement, cette méthode permet d'explorer les conflits en laissant s'exprimer tous les points de vues simultanément, par tous les canaux possibles. Toute communication est favorisée, quel que soit le canal, entre tous les "rôles".


Les rôles:


- Ce ne sont pas les participants eux-mêmes qui s'expriment, ils s'expriment par l'intermédiaire de différents "rôles" qu'ils habitent à tour de rôle.

- Ils ne sont pas liés à 1 rôle et peuvent en changer à tout moment.

- Ainsi, nous avons tous en nous des "polarités" opposées (par exemple, je ne suis pas raciste, mais pourtant je joue au sauveur pour aider les personnes d'autres origines). Nous renions souvent une des 2 polarités, celle qui n'est pas avouable, mais qui peut devenir un rôle dans le processus

- Des rôles importants peuvent ne pas être présents, et être représentés par un participant ou par le facilitateur si ce dernier considère ce rôle comme fondamental.

- Ou ces rôles peuvent être présents dans le "champ", c'est-à-dire dans l'atmosphère ambiante: ce sont des "rôles fantômes".


Les time spirit (ou l'air du temps):


Durant le processus, dans le champ, on retrouve les time spirits. ils incluent l'atmosphère, les émotions généralisées, tous les phénomènes invisibles au sein d'un groupe.

Ils sont généralement inconscients, mais ils peuvent être très puissants (par exemple, des sujets de société au moment des élections peuvent influer sur notre façon de communiquer).

Les time spirits peuvent également être liés à nos croyances collectives, sociétales, familiales, ou personnelles. Ou encore peut "flotter le time spirit du rang supérieur", celui qui détient le pouvoir, et/ou sa culpabilité.


Le processus de processwork:


Selon Arnold Mindell, tout est processus.

Ce mot processus désigne un flux ou un échange d’informations.

Le processus ne sert aucune finalité, son essence est le mouvement, qu’interrompent souvent les tentatives de définition et de recherche de sens.

Toutefois, son sens devient accessible en laissant se déployer le processus.

Arnold Mindell distingue :

- le Processus Primaire, caractérisé par “ce que je pense que je fais” (notre conscient)

- et le Processus Secondaire qui se manifeste par des signaux et expériences involontaires (messages de notre subconscient)


Le Dreambody:


Arnold Mindell, a développé le concept de « Dreambody» : cet état durant lequel nous serions durant les processus. Selon ce concept, les expériences subjectives des symptômes corporels sont symétriques aux schémas que l’on trouve dans les rêves nocturnes. Notre inconscient s'exprime de manière créative dans nos rêves pendant que nous dormons et également dans nos expériences corporelles pendant notre vie éveillée.

Arnold Mindell a mis en évidence que les symptômes ne devaient pas seulement être considérés comme nocifs, mais aussi comme les élixirs potentiels de la santé et même du bien-être.


Les facilitateurs:


Les facilitateurs n'animent pas le processus mais le ralentissent à certains moments (pendant des "hotspots"), en essayant de révéler aux participants ce qui se passe : l'opposition entre deux ou plusieurs personnes, un moment de grande émotion, un changement de sujet de discussion, une information nouvelle qui éclaire la situation, la mise à l'écart ou le retrait volontaire de certaines personnes...

La révélation de ce qui se joue dans le groupe : les processus primaires, mais aussi les processus secondaires, parfois à peine perceptibles par les participants, est donc une fonction majeure qu'assument les facilitateurs.

Ainsi, le rôle du facilitateur est primordial pour apporter de la conscience à chacun dans le groupe. Pour en être capable, il doit lui-même avoir affronté et accepté ses propres polarités.

Enfin, un groupe a souvent besoin de plusieurs facilitateurs car il peut être difficile d'observer simultanément tout ce qu'il se passe au sein d'un groupe de manière fine.


Comment le processus de groupe se passe concrètement en processwork?


Les facilitateurs interrogent le groupe sur différents sujets personnels, interpersonnels ou avec le monde selon le grand thème du processwork du jour.

L'entrain manifesté par les participants, de quelque manière que ce soit, décidera des sujets majeurs.
Le Tao précisera le sujet final, grâce à la pointe d'un crayon lancé et tournoyant sur lui-même. De nombreux sujets présents "dans le champ" ressortiront probablement durant le processus.

La durée et les règles du processus sont indiquées. Souvent, tout est permis sauf le contact physique. La régulation fine se fera grâce aux facilitateurs.


Le "détenteur" du sujet amène son sujet via un rôle initial.


Puis les personnes du groupe interagissent, réagissent.

Elles se déplacent vers le rôle qui leur parle, avec lequel elles éprouvent des similitudes, une attirance. Elles peuvent prendre la parole de ce rôle.

Ou elles peuvent se placer en opposition au rôle initial et se confronter à celui-ci.

Ou alors, observer ce qu'il se passe, ressentir des émotions, un besoin de bouger, ou toute manifestation que la situation leur fait vivre de l'intérieur.


La résolution du conflit n'est pas la finalité de l'échange.

L'observation du conflit, des interactions, des réactions de chacun apporte au conscient et à l'inconscient.

Nos points de vue évoluent. Mes connaissances évoluent. Je me laisse aller aux ressentis de mon corps.


Puis les rôles évoluent, chacun se déplace au gré de ses tensions, de son niveau d'accord ou de désaccord avec les intervenants.

Personne ne reste ancré dans 1 seul rôle. Chacun peut en changer.

Nous avons plusieurs facettes et il est bon de les explorer. Le processus révèle la complexité des humains, de leurs interactions.

Lorsque les rôles changent, l'atmosphère peut changer et peut favoriser l'émergence de solutions, tout comme elle peut intensifier les tensions.




Comme vu précédemment, les facilitateurs peuvent interrompre le processus par des hotspots, ou arrêts sur image. Ils doivent se sentir en sécurité dans le processus.

Si tel n'est plus le cas, il peut être demandé aux participants de revenir en innerwork et de s'arrêter pour écouter son corps, ses sensations, ses ressentis.

Les facilitateurs peuvent ponctuellement incarner un rôle qui les touche, ou qui manque dans le champ, ou encore mentionner un rôle fantôme qui a son importance.


Lorsque le temps est écoulé, chacun s'arrête.

En France, on pratique un exercice de "download" en 6 étapes, nommé la "puissance du 6".

Chacun est invité à écrire la réponse à la question "Et compte tenu de tout ce qu'il s'est passé dans ce processus, que sais-tu maintenant?" Cette question est répétée 6 fois.

Puis, chacun est invité à partager, s'il le souhaite, la ou les conclusions de ce download pour lui-même, ce qui constitue également un input pour les autres qui observent que chacun a des apprentissages très différents.

Enfin, le travail du Dreambody peut avoir lieu dans les jours ou semaines qui suivent, pendant les phases de sommeil et de rêves.

Le processus continue donc bien au-delà de sa durée "pratique".


Tous ces processus, concepts, semblent complexes, mais découlent en réalité de concepts relativement aisés à comprendre, à ressentir.

Mais pour cela, il faut les vivre en s'ouvrant à tout se qui peut se passer...


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Pour aller plus loin, quelques ressources:

- Actualité du ProcessWork francophone: https://maisonduprocesswork.fr/

- Ressources partagées par la Maison du ProcessWork: https://processwork.info/a-decouvrir/

- Amy and Arny Mindell Website: https://www.aamindell.net/

- IAPOP, the International Association of Process Oriented Psychology : https://iapop.com/international-association-of-process-oriented-psychology/